Tragédie ! Un poème...

Tragédie ! Un poème...

Tragédie ! Un poème...

Crédit photo : Sophie Séjourné






Tragédie ! Un poème… défie les empêchements et interroge l’espoir.

Englués dans un monde sombre et chaotique, des héros de l’ordinaire peu à peu se relèvent.

Attachants et généreux, ils offrent un miroir de la reconquête d’un être ensemble.

Avec :

  • 14 îlots, porteurs chacun d'une création sonore et visuelle spécifique
  • 14 acteurs, performeurs et danseurs
  • et 1000 personnes

Ombres

Sur une place, l’atmosphère invite au recueillement. Le visiteur découvre en marchant dix îlots posés, émergés du sol.

Éclatés, fragmentés, d’une beauté désolée, ils forment un vaste constat du monde. Peu à peu, un à un, des corps - ombres de ceux, de tous ceux -, se dessinent sur les sols, les murs, dans les recoins ; des voix plaintives, des cris stridents, se font entendre… Ils apparaissent. Ils…

Ce sont eux, les nous, les toi et les moi, habitants incertains d’un monde chaotique, misère humaine indécente sortie de terre elle aussi, ils semblent interroger et déconstruisent les îlots bien rangés. D’un point à l’autre de l’espace saisi, tout se transforme et se déploie, se déstructure.

Par-delà, au centre de la place, dans de petites boîtes lumineuses, des vieux sont là qui regardent, un grand feu s’allume et appelle, des chemises rouges forment une grande travée, des vestes prennent l’air… Le son mêlé se déploie, réinvente et redessine la place occupée… Progressivement, les "Héros", chair d’un même corps, se retrouvent au centre de toutes les attentions. Ils portent tous les espoirs.

Différents, complémentaires, indissociables. Dans la puissance de la joie, leur force se décuple. Un choeur tout à coup se dresse, se redresse, se met en marche… À eux tous ils sont un, une entité qui construit une nouvelle identité.

Ema Drouin

Le mythe de la caverne revisité

Le propos narratif est un éclaté, presque un écorché d’un constat du monde que Ema Drouin nous propose de vivre collectivement, sur la place publique.

Construite comme une allégorie, accessible à tous, la proposition invite le public à évoluer librement dans un vaste univers artistique contemporain à ciel ouvert, fait de dix installations plastiques et sonores magistrales, desquelles émergent progressivement quinze artistes comédiens, performeurs, danseurs, chanteurs, un slameur et une contorsionniste, qui proposent avec un mélange d’énergie primitive et beaucoup de douceur des images sidérantes qui entrent en conversation avec le public qu’ils entraînent vers un final frontal, choral et apaisé.

Dominé ou dominant ?

Ces tableaux vivants interrogent notre rapport au pouvoir, à tous les pouvoirs, le sexe, l’argent, la politique, la vieillesse, la mort et posent la question de la solidarité.
Que peut-on faire ensemble ?

Danser sur la musique techno, se mettre tout nu, marcher au pas ? Crier "moi-je, moi-je", faire une farandole ? Chercher des réponses dans des livres intelligents confortablement assis dans notre canapé ? Tout brûler ?
Comme dans le mythe de la caverne revisité, un peu trash, presque punk, ces humains enchaînés et gémissants seraient-ils nous-mêmes et les images proposées, la représentation de la réalité, ou la réalité elle-même ?

Dans un parking souterrain ce serait un fameux polar, au bord d’une rivière ou dans un parc ce serait un drôle de Déjeuner sur l’herbe, sur une place de mairie, sur le parvis d’un théâtre, comme à Malakoff, c’est un manifeste.

Savine Raynaud

La Lettre du Spectacle, n°264 - 17 décembre 2010

Tragédie ! : Quelle diffusion pour un spectacle hors norme ? Yves Pérennou

Aurillac, Chalon dans la rue, et après ? Oeuvre majeure des festivals d'art de la rue de l'été 2010, TRAGÉDIE ! Un poème... (...) hybride entre performance, théâtre et installation mobilise vingt-trois personnes dont quinze comédiens-danseurs, une création musicale en direct, du feu, des lectures philosophiques, de la nudité, l'évocation de massacres... Autant de tableaux saisissants entre lesquels déambulent les spectateurs. (...)

Cassandre Horschamp - n°83, novembre 2010

Constellations et météores, Jean-Jacques Delfour

(...) Ce spectacle n’interroge pas seulement la mémoire, la violence, l’histoire. Il questionne la forme spectaculaire, la présence des corps, la fonction symbolique et son enchâssement dans des formes visuelles, corporelles, fondamentalement équivoques. Voir, c’est risquer de céder à la pulsion scopique ; écouter, c’est ouvrir le champ infini de l’interprétation. (...)

Journal de Chalon - 12 novembre 2009

Un groupe d'intervention prometteur, Laëticia Déchambenoit

Tragédie ! touche à une histoire collective en images et en sensations qui, sans doute aucun, ne manquera pas de bouleverser, interpeller, questionner et surtout donner espoir. Cette création d’envergure, soignée, annonce une présence incontournable sur la prochaine édition du festival, par ses qualités plastiques sensibles et l’implication forte des artistes. (...)

Les rouges / La violence

Les Rouges nous regardent dans les yeux, cherchent notre attention et ne nous lâchent plus du regard.

MOI JE / MOI JE / MOI / JE / MOI JE MOI JE MOI/
MOI JE / JEMOI / MOI / JE / MOI / JE / MOIJE / MOIMOIMOIMOI / JEJEJEJEJE/
MOIJE / MOIJE MOIJEMOIJE MOIJEMOI/…
MOA MOA MOA MOA JEMOA MOAJEMOA JE MOA JE MOA
En anglais, en allemand en espagnol. Surenchère, voix parlées, voix chantées, respiration forte, mimiques.
…/…

Les Pauvres La Dictature

Elle s’adresse aux pauvres.
Grazie di essere venuti vous le gouvernement and the popolo de la liberta, pour vous remercier tous avec la franchise et la sincérité, siamo tantissimi pour la première fois, cari amici en tant que mère de la France, soeur de l’Europe, coeur vibrant de l’humanité, you are my world on this day.
Siamo venuti, rassemblés ici for ever, where we look there is world to be done, un jour particulier est en marche.
Grazie a voi tutti.
J’aime mon peuple et mon peuple c’est vous !
Vous tous, mes adorés, sans langue, sans langue commune, sans capacité à réussir à vivre une même religion, sans coutumes fondatrices, sans culture, sans histoire et pourtant
Yes! you are my world for ever !

Tutti presenti, tutti amare la liberta
Mes adorés. Elle va vers eux. Mes meurtris, mes avilis, mes démunis, mes accroupis, mes asservis, mes non choisis, mes cramoisis, mes assoupis !
Aboubakar ! Igor ! Virginie ! Paulo ! Rodrigo ! Emmanuel ! Li ! Sofiane ! Victor ! Youri ! Valérie ! Haakon ! Fadia ! Sergio ! Mohamed ! Belaïd ! Dolores ! Franco ! Momo ! Francis ! Omar et j’en oublie ! Vous êtes si magnifiquement interchangeables ! Mes chers épouvantés, mes déguisés, EN AVANT !!!!
…/…

Les Poupées L’injustice

La jeune femme aux poupées construit une chaîne humaine au sol avec les poupées et les spectateurs
YOU ! YOU ! YOU !
TOI ! TOI ! TOI !
AND ME, MOI
ALL OF US, NOUS
OUI, COME ON, VIENS
TAKE IT QUICKLY, PRENDS, HUMM, TOUCH
TOUCHE !
CARESS, CARESSE, VIENS !
COME ON, LÀ, VIENS, PRENDS, TAKE CARE OF US
LÀ, OUI, LÀ, TAKE CARE OF US, OUI, ICI, NOUS !
ALL OF US !
OUI !
…/…

De ma bouche sortent des grenouilles Quelles réponses face au chaos ?

Sur le canapé, enchaînés, lui qui lit et qui slame, elle qui lit et s’étire. Ils se relaient dans la parole. Tantôt en français, espagnol ou anglais, parfois en allemand. Ils commentent le chaos des îlots.
Le sens d’un moment précis pourrait-il apparaître en un seul temps ? Inutile d’insister ; seule la succession des moments s’éclaire.
Un moment n’a de sens que par rapport à l’ensemble des moments. Nous ne sommes chaque fois que des fragments dépourvus de sens si nous ne les rapportons à d’autres fragments. Comment pourrions-nous renvoyer à l’ensemble achevé ? écrit Georges Bataille dans Les larmes d’Éros chez Pauvert, et, comme l’écrit Artaud c’est avec cruauté que se coagulent les choses, que se forment les plans du créé. Le bien est toujours sur la face externe mais la face interne est un mal. Mal qui se réduit à la longue mais à l’instant suprême où tout ce qui fut sera sur le point de retourner au chaos dans Le Théâtre et son double.

Elle monte debout sur le canapé. Il slame.
N’importe quoi avec n’importe quoi ! Tout est mélangé à tout, rien ne ressemble à rien, chaque chose diffère de toutes les autres et se confond en même temps avec toutes les autres : aucun groupement, aucune série, aucune constellation ne se dessine donc dans cette masse confuse où le contraire hurle de côtoyer son contraire et le même de cohabiter avec l’autre, où le semblable refuse d’exister près du semblable. C’est à ce chaos sans nom (car un nom serait déjà un rangement) que pense Anaxagore quand il dit (citation grecque), “toutes choses étaient pêle-mêle”.
Ah ! Vladimir Jankelevitch, le pur et l’impur !

Ils rient. Ils poussent le canapé.
Les fous et les jeunes gens vont se vantant que tout est possible à l’homme.
Quelle erreur ! selon Kierkegaard Soren, dans Crainte et tremblement.
Ils sont assis dans le canapé.
Elle : Réponse de Georges Steiner à la question :
Lui : "À quoi pensez-vous ?" posée par Libération dans son numéro spécial an 2000.
Elle : En premier lieu, à l’extrême difficulté de penser. Au sens sérieux du terme. D’avoir accès en cette fin de siècle aux silences, aux espaces privés - il est troublant que le français ne puisse traduire pleinement le mot anglais privacy - (...) Dans le budget de la sensibilité, dans la fiscalité mentale, rien n’est devenu plus coûteux que le silence. Notre damnation est celle du bruit constant, public, médiatique, mais aussi dans les recoins de nos demeures.
C’est Steiner, dans Entretiens.
Elle : Selon Wittgenstein, on ne devrait pas dire une chaise, mais une peut-être chaise...
Elle est assise dans le canapé. Il est allongé sur les livres.
Elle : Also Sprach Zarathustra, Frédéric Nietzsche.
Vom Lesen und Schreiben. Von allem Geschriebenen liebe ich nur Das, was Einer mit seinem Blut schreibt. Schreibe mit Blut: und du wirst erfahren, dass Blut Geist ist. Es ist nicht leicht möglich, fremdes Blut zu verstehen: ich hasse die lesenden Müssiggänger. Wer den Leser kennt, der thut Nichts mehr für den Leser. Noch ein. Jahrhundert Leser - und der Geist selber wird stinken. Dass Jedermann lesen lernen darf, verdirbt auf die Dauer nicht allein das Schreiben, sondern auch das Denken.
Lui : Si l’on n’est pas capable d’aimer ensemble les choses (paysages, villes, objets, oeuvres, langues, etc.), on ne peut pas s’aimer. Tel est le sens de la philia chez Aristote. Et s’aimer, c’est aimer ensemble des choses autres que soi. De la misère symbolique, par Bernard Stiegler Le Monde octobre 2003.
Elle : Cela dit, il est certain que la mort est pour l’individu la seule expérience qu’il n’ait jamais faite et pour laquelle le déficit informationnel est total. Ce sont les mots d’Henri Laborit, dans l’Éloge de la fuite, pages 86.
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DEUXIÈME GROUPE D'INTERVENTION
Situations artistiques et théâtre contemporain de proximités

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Tél : 06 71 17 91 01 - Nous écrire

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